Lecture expliquée 13 (fin)


Vers 498-501

Seul, quand renaît le jour sonore,
À l’heure où sur le mont lointain
Flamboie et frissonne l’aurore,
Crête rouge du coq matin ;

Le "jour sonore" est celui du matin, renaissance de la vie. Une allitération en /f/ ("Flambloie et frissonne") et en /k/ ("crête" et "coq") accompagnent l'apparition du jour. Hugo traduit  le crépuscule du matin comme un tableau sonore. Une métaphore associe la "crête rouge du coq matin" à la couleur de l'aurore. Cette touche de rouge contraste avec les couleurs froides la nuit.

Vers 502-505
Seul, toujours seul, l’été, l’automne ;
Front sans remords et sans effroi
À qui le nuage qui tonne
Dit tout bas : Ce n’est pas pour toi !
Remarquer la redondance qui insiste sur la solitude et renforce l'effet de l'anaphore. La double négation "sans", déjà utilisée au  vers 466, exprime à nouveau le dénuement du berger et son attachement à la solitude, lui conférant aussi une certaine grandeur "sans remords et sans effroi". La nature est une voix et le "nuage qui tonne" (personnification), donne un avertissement au poète. On peut interpréter cet avertissement comme un rappel du lien entre le berger et la nuit, il doit rester dans l'invisible, parce que telle est sa vocation.

Vers 506-509

Oubliant dans ces grandes choses
Les trous de ses pauvres habits,
Comparant la douceur des roses
À la douceur de la brebis,
Le berger doit dépasser sa pauvreté ("ses pauvres habits") en célébrant la grandeur du monde. Dans un célèbre poème des Contemplations "Le mendiant", le manteau d'un pauvre posé sur une cheminée est percé de trous qui sont comparés à la voûte étoilée. Les choses les plus délicates (les roses) peuvent être comparée aux plus familières (les brebis)

Vers 510-513

Sondant l’être, la loi fatale,
L’amour, la mort, la fleur, le fruit ;
Voyant l’auréole idéale
Sortir de toute cette nuit,
Remarquer la place des participes présents dans cette strophe et celle qui précède : "Oubliant", "Comparant", "Sondant", "Voyant", qui expriment la contemplation. L'accumulation au vers 512 et 513,  récapitule l'ordre de la création. Remarque que la mort n'est pas le terme mais vient avant la fleur et le fruit. "L'auréole idéale" est une dimension invisible et cachée du monde, qui se manifeste au poète. L'idéalisme est une doctrine philosophique qui suppose que le monde n'est que l'apparence visible d'une vérité cachée.

Vers 514-517
Il sent, faisant passer le monde
Par sa pensée à chaque instant,
Dans cette obscurité profonde
Son œil devenir éclatant ;
"Il sent, le complément d'objet de ce verbe se trouve en fin de strophe. La syntaxe de cette strophe, en intercalant des compléments circonstanciels (vers 515 et 516) traduit l'élargissement de la perception nouvelle du monde à laquelle le poète a accès. "Son œil devenir éclatant", le poète devient vraiment visionnaire et sa perception du monde s'approfondit. L'aurore qui se produit est plutôt un événement qui concerne l'intériorité du poète. L’œil s'ouvre ici est un œil intérieur, l’œil de la conscience

Vers 518-521

Et, dépassant la créature,
Montant toujours, toujours accru,
Il regarde tant la nature,
Que la nature a disparu !
Poursuite de mouvement de la connaissance à travers des participes, présent et passé : "dépassant", "montant", "accru". La répétition de l'adverbe "toujours" traduit un mouvement ascensionnel. Il s'agit de "dépasser la créature", de voir au-delà du créé. Tel est le sens des vers 522-523. C'et le visible qui a disparu et l"invisible qui se manifeste à l’œil "éclatant" du poète.

Vers 522

Car, des effets allant aux causes,
"Des effets allant au causes", telle est le cheminement de l'aventure poétique, qui est aussi une aventure philosophique,  percer ("l’œil perce") le mystère des choses invisibles et remontrer aux principes primordiaux.

Vers 523
L’œil perce et franchit le miroir
Le terme "miroir" exprime le fait que la nature n'est que l'apparence des choses, une surface qu'il faut traverser, franchir.

Vers 525-525
Enfant ; et contempler les choses,
C’est finir par ne plus les voir
L'apostrophe "Enfant" est surprenant, mais chez Hugo l'esprit d'enfance est associé à la connaissance? L'enfant est pour Victor Hugo un voyant.  L'emploi ici du verbe "contempler" fait bien entendu référence au titre du recueil. Victor Hugo nous en donne une définition : "finir par", la contemplation est donc à la fin du processus d'exploration poétique du mystère de l'existence. "Ne plus les voir", ce paradoxe montre bien que le poète peut dépasser le visible, le "miroir" (v 523) du monde.

Conclusion

L'évocation le la nature à travers l'évocation d'un berger visionnaire nous donne une définition juste du titre de ce recueil les Contemplations. Contempler est un approfondissement du regard poétique sur le monde.

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